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La gouvernance des pays scandinaves [NL 68]

En 2013, The Economist décrivait ces pays comme « des libre-échangistes robustes résistant à la tentation d’intervenir, même pour protéger leurs entreprises emblématiques ». Il souligne également que ces pays cherchent des moyens d’atténuer les effets du capitalisme et déclare Nordiske-flagque « les pays scandinaves sont probablement les mieux gouvernés au monde ». Au sein de l’Union Européenne, de nombreux hommes politiques souhaitent s’inspirer de la social-démocratie scandinave afin de soutenir le libre-échange tout en maintenant un Etat-providence important, tel que M. Hollande, qui a déclaré qu’il est « possible de faire des économies, nombreuses, tout en préservant notre modèle social », ou encore M. Cameron qui souhaite s’inspirer des nombreuses privatisations et de la mise en concurrence entre le public et le privé. Un tel modèle, plébiscité par des partis politiques de droite et de gauche à travers l’Europe peut sembler assez contradictoire. Dès lors, quelle sont les principaux particularismes de la gouvernance des pays nordiques ?

Le modèle scandinave
La recherche du consensus politique

La Suède, la Norvège, la Finlande et le Danemark ont en commun un système politique basé sur le monocaméralisme , le scrutin proportionnel et le pluralisme, qui permet à la fois l’alternance partisane et la continuité gouvernementale. Ces trois caractéristiques illustrent la forte culture du consensus de ces pays. Cette recherche permanente du dialogue entre les acteurs politiques se ressent dans l’économie avec une forte représentativité des syndicats. Ainsi, la négociation se voit accorder une place prépondérante dans la vie politique. En effet, le conflit social est régulé par l’idée que la préservation des intérêts des partenaires (paix sociale, profit, avantages sociaux, etc.) repose sur la capacité de dialogue des différentes parties au conflit. Cela est une des bases de la social-démocratie scandinave.

En Suède, le secteur principal s’appuyant sur la négociation collective est le secteur industriel. Ainsi 90% des travailleurs de ce secteur voient une partie de leur rémunération en partie fixée dans le cadre de négociations locales.

Tripartisme économique

Le modèle scandinave promeut une économie libérale (de marché) performante et tournée vers l’extérieur (exportatrice). Il est réputé pour s’adapter relativement rapidement aux évolutions des marchés et de la mondialisation et il semble donc que le capitalisme nordique soit plus orienté que dirigé par l’Etat car celui-ci laisse une liberté importante au patronat et aux syndicats pour conclure des accords collectifs. C’est sur ce tripartisme que repose le modèle social nordique.

Un capitalisme « social »scand8_taxes

Bien qu’il existe des différences entre le Danemark, la Suède, la Finlande et la Norvège, ces pays ont en commun un engagement fort en faveur de la cohésion sociale, une protection sociale à caractère universel préservant l’individualisme et fournissant une protection sociale aux individus et groupes les plus vulnérables.

De plus, ces pays accordent une grande importance à l’implication des citoyens dans la vie publique et politique.

Enfin, l’éducation et la santé représentent des modèles régulièrement cités par des hommes politiques étrangers de par leur efficacité et les réformes qui ont été mises en place dans ces domaines.  Ces caractéristiques constituent la base du capitalisme « social » scandinave.

Le modèle social scandinave est principalement financé par l’impôt. En effet, s’il est courant d’entendre que les impôts sont élevés en Scandinavie, il est important de relever des différences importantes entre certains types d’impôts. Ainsi, le taux d’imposition des entreprises est relativement faible , alors que les taxes sur ventes de biens et l’impôt sur le revenu sont très élevés. Ces pays ont donc une imposition favorable au capital qui leur a permis d’avoir des taux d’imposition élevés sur les revenus.

Le système éducatif
école suède

En ce qui concerne l’éducation dans les pays scandinaves, le test PISA illustre les bons résultats qu’offre leur modèle éducatif. Un tel système repose sur cinq principes : gratuité, décentralisation, flexibilité, concurrence entre le système public et privé et imputabilité. Chaque école gère son propre budget et décide des cours qu’elle va proposer. En effet, l’Etat détermine les grandes lignes du programme national d’éducation, les écoles sont libres de choisir leurs méthodes éducatives. Des Agences nationales sont crées afin d’établir les lignes directrices à respecter pour toutes les écoles et en assurant leur respect. Ces Agences sont également en charge des subventions accordées aux municipalités. Au niveau local, chaque municipalité va établir un plan scolaire où elle va déclarer les moyens mis en œuvre afin de respecter les lignes directrices nationales en matière d’éducation. Les écoles sont libres d’adapter leurs méthodes de travail aux besoins de leurs élèves afin d’assurer une meilleure éducation pour chacun.

En Suède, la concurrence entre les écoles publiques et privées est la plus poussée. Les écoles privées doivent respecter le principe de gratuité de l’éducation suédoise, accueillir tous les élèves désirant y étudier et remplir les objectifs pédagogiques nationaux. La spécificité de ce système est que les écoles privées sont financées par les municipalités qui doivent leur accorder des subventions d’un même niveau que pour les écoles publiques.

Les écoles privées semblent booster la performance des écoles publiques situées dans un même secteur tout en favorisant la compétition et la comparaison entre les établissements. Cela permet d’améliorer les techniques éducatives offertes aux élèves et d’adapter les politiques éducatives aux besoins des élèves. Il en résulte une amélioration du niveau général des élèves.

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Il existe deux forums de coopération pour les gouvernements et les institutions parlementaires des pays nordiques : Le Conseil nordique et le Conseil nordique des ministres. Le Conseil nordique correspond à l’union des groupes parlementaires des pays du Nord. Tous les partis politiques désignent des parlementaires nationaux qui vont siéger au sein du Conseil nordique. Sont représentés : le Danemark, la Finlande, la Suède, l’Islande, la Norvège, des territoires autonomes des Iles Féroé, le Groenland, les Iles Åland et des pays observateurs  tels que l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie. Ce conseil a notamment établi des règles communes sur le marché du travail et en matière de sécurité sociale. Il y a également un Conseil nordique des ministres qui se focalise sur la coopération intergouvernementale entre les pays membres.

Le système de santé

En matière de santé, les pays scandinaves ont mis en œuvre des politiques de dématérialisation des services publics de santé afin de les rendre plus accessibles pour les citoyens. Cela passe notamment par le développement du principe de guichet unique afin de centraliser les données de santé des citoyens.

L’organisation de ce système est également basée sur la décentralisation. Il y a également une concurrence entre les acteurs offrant des services dans le domaine de la santé. Cette concurrence se matérialise par la présence d’acteurs privés comme des centres de soins privés. De plus, certains acteurs ont des rôles plus élargis. Ainsi, les infirmiers ont leur propre cabinet de consultation et prodiguent une grande partie des soins infantiles, aux personnes âgées et aux personnes handicapées.

Les pays scandinaves ont également développé une gestion intelligente des listes d’attente dans leur système de santé.

Si l’attente est jugée trop longue pour permettre l’accès aux soins d’un patient dans le secteur public, les soins seront alors prodigués par un fournisseur privé ou situé dans un autre pays, aux frais de l’Etat.

Pourtant, le système de gouvernance à la scandinave connait actuellement une remise en question.

La remise en cause du système de gouvernance des pays nordiques

Avec la crise économique actuelle, des mesures qualifiées de libérales ont été prises dans les pays scandinaves. Certaines de ces mesures ont été adoptées de manière brutale et rapide, ce qui a entrainé de forts débats dans la société.

En Suède, la générosité du système a été remise en cause avec la fin des subventions à l’emploi ou au logement. Les dépenses de santé ont été revues à la baisse. Un programme de privatisations et de mise en concurrence des acteurs publics avec les acteurs privés a été mis en place. Il y a eu des modifications de la fiscalité et une diminution des dépenses en matière de santé et d’éducation. Tout cela s’accompagne de la mise en place de conditions plus strictes concernant l’accès aux allocations au logement et au retour à l’emploi.

« La poussée actuelle des mouvements populistes, xénophobes voire extrémistes est liée à l’arrivée de nombreux immigrés, notamment en Suède et au Danemark et, plus généralement, à un questionnement identitaire face à la crise des valeurs, à l’avenir de l’Union Européenne (à laquelle appartiennent la Suède, la Finlande et le Danemark et à laquelle la Norvège et l’Islande, candidate à l’adhésion depuis 2009, sont fortement liées), et aux mutations de la mondialisation en termes de prospérité et de sécurité. Mais ces ombres ne doivent pas masquer la réalité : le « modèle nordique » rayonne encore sur l’Europe septentrionale… et bien au-delà ! »François-Charles Mougel, professeur d’Histoire contemporaine à Sciences-Po Bordeaux.

Helle Thorning-Schmidts, danska socialdemokraternas partiledare, i talarstolen vid Nordiska rådets session i Stockholm 2009Au Danemark, une baisse de la fiscalité des entreprises et la mise en place d’une rigueur budgétaire plus stricte par l’ancienne Première Ministre social-démocrate Helle Thorning-Schmidt a bouleversé le fonctionnement de l’Etat-providence. La Finlande fait désormais partie des pays les plus stricts en matière de politique budgétaire et de politique d’austérité en Europe. Le gouvernement a mis en place plusieurs mesures visant à réduire le poids de l’Etat-providence : hausse de l’âge du départ à la retraite, baisse des allocations au retour à l’emploi. Seule la Norvège peut se permettre de prendre son temps pour réformer son modèle social car elle s’appuie sur la manne pétrolière dont elle dispose.

Avec la mise en œuvre de telles politiques, les pays nordiques sont devenus un modèle pour les libéraux européens car le poids de l’Etat a diminué et la fiscalité sur les entreprises est moins forte. Historiquement, les pays scandinaves étaient cités en exemple par les sociaux-démocrates du fait du modèle d’Etat-providence efficace, mais suite aux récentes réformes, certains hommes politiques européens souhaitent s’inspirer des pays scandinaves afin de libéraliser leur économie et de mettre en concurrence les secteurs publics et privés.

Actuellement, les pays scandinaves sont reconnus à travers le monde entier pour la qualité de leur Etat-providence mais il ne faut pas oublier que ces pays ont adopté de nombreuses mesures économiques libérales et que leur économie a connu de fortes privatisations et dérèglementations.

Il y a donc à l’heure actuelle une certaine remise en cause du modèle social des pays scandinaves avec des politiques visant à réduire les dépenses sociales et à réduire le poids des acteurs publics dans l’économie. Cependant, la solidarité et le consensus entre tous les membres de la société demeure le fondement du modèle social scandinave. De plus, la volonté de rationalisation des dépenses publiques afin de maximiser leur impact et leur efficacité reste la principale caractéristique de l’Etat-providence scandinave.

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Article rédigé par l'équipe de l'ADEC-NS