La ville intelligente
En 2050, plus de 66 % des habitants de la planète vivront en zones urbaines. Aujourd’hui conscientes du réchauffement climatique, les collectivités accordent une grande importance à l’urbanisation maîtrisée. Cette augmentation de la population citadine exige également une meilleure gestion du trafic routier, des transports publics, de la gestion de déchets et de la consommation énergétique. Les projets de villes intelligentes tentent d’intégrer les nouvelles technologies de l’information et de la communication dans la politique urbaine en faveur du développement durable.
Le concept de ville intelligente
Smart city, ville numérique, green city, connected city, éco-cité, ville durable constituent de multiples vocables évoquant le concept de ville intelligente. La ville intelligente est l’assimilation de plusieurs éléments. Les technologies de l’information et de la communication (domotique, capteurs et compteurs intelligents, supports numériques, dispositifs d’information, etc.) facilitent la prise de décisions dans la gestion du territoire, améliorent les services existants et proposent de nouvelles fonctionnalités (éclairage public intelligent, vidéosurveillance, gestion intelligente des déchets, déplacements urbains plus respectueux de l’environnement, etc.).
Sa définition en apparence restrictive ne la rend pas incompatible avec différents modèles de développement. Néanmoins il s’agit d’un fil conducteur, d’une philosophie qui s’applique à l’échelle d’une ville, d’un quartier voire d’un bâtiment. Précisons tout de même que le concept de smart city n’inclut pas uniquement l’utilisation des technologies dernier cri que proposent les acteurs majeurs du numérique (IBM, Huawei, Samsung, Siemens, etc.). Par ailleurs, l’amélioration de la qualité de vie des citoyen, est intimement liée à l’élaboration de nouveaux modes de gouvernance plus inclusifs à l’échelle municipale et locale mais aussi à une coopération accrue avec les institutions locales, régionales et nationales.
A la lumière des enjeux qui se poseront aux espaces urbains dans les années à venir, il semble impératif d’élaborer des solutions permettant d’y répondre de la meilleure des manières. Dans ce cadre, les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) s’avèrent incontournables dans de nombreux domaines.
Le transport et la mobilité en ville
La gestion du trafic de manière efficiente et responsable est une condition essentielle dans le développement de la ville intelligente. Le développement exponentiel des NTIC ces dernières années offre de nombreuses possibilités en matière de transport et de mobilité en ville. L’optimisation de la circulation grâce au traitement de données recueillies et à l’internet des objets en est l’illustration. Par le biais des outils actuels dans le domaine des NTIC, il est facile d’identifier les axes routiers enregistrant une forte affluence, limitant les embouteillages tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.
L’intégration d’un mode de transport unique à la fois efficace, facilement accessible, abordable, sûr et écologique renforcerait la lutte contre la pollution et l’engorgement des zones urbaines. Non seulement ce système optimiserait l’utilisation de l’espace urbain mais il mettrait en place les dernières technologies de transport en commun et de mobilité électrique en réduisant la dépendance au pétrole en matière de transport. Parmi les modes de transports collectifs à privilégier, les véhicules à motorisation électrique semblent être les plus adaptés pour répondre aux enjeux de développement durable dans le cadre d’une ville intelligente.
Gestion de déchets et énergie
Le stockage et le traitement des déchets constituent des enjeux majeurs qui en font naturellement un sujet d’actualité incontournable. La lutte contre les gaspillages et la promotion de l’économie circulaire est l’une des priorités des acteurs politiques en charge de la protection de l’environnement et du développement durable. Le traitement de déchets de plus en plus nombreux et de ressources naturelles de plus en plus rares font de cette thématique un enjeu capital pour les années à venir en raison de la croissance de la population mondiale et de la nécessité de préserver l’environnement pour les générations futures. L’apport des NTIC dans le cadre des villes intelligentes permettra de réduire la production de déchets tout en mettant en place des systèmes de récupération et valorisation des déchets à travers la méthanisation ou autres formes de recyclage (verre, métal et papier notamment).
En ce qui concerne l’énergie, le renforcement de l’efficacité énergétique par l’installation de lampes à basse consommation pour l’éclairage public, et la production locale d’énergie à partir de déchets, panneaux solaires ou autres systèmes de production constituent un défi à accomplir dans le développement de la ville intelligente que les NTIC semblent à même de relever. Par ailleurs, la gestion de l’énergie se devra d’être – elle aussi – « intelligente » afin de limiter la consommation. Pour moderniser les réseaux électriques, nous avons aujourd’hui le réseau ou maillage intelligent (smart grid). A Toulouse, ERDF testera prochainement l’installation du SOGRID afin d’associer ses clients à la réduction de la consommation énergétique.
L’urbanisation maîtrisée et responsable
Sous la pression démographique, les villes absorbent de plus en plus de territoires périurbains, augmentant ainsi la taille des agglomérations, des infrastructures, la durée du trajet des employés ainsi que la consommation d’énergie et de carburant. Les coûts en espace, en équipements publics et en énergie du modèle de développement urbain actuel ne paraissent plus soutenables et économiquement viable. La réinvention des formes urbaines, favoriser la mixité sociale et construire des bâtiments « intelligents » paraît indissociable de l’amélioration des performances énergétiques et par conséquent de la réduction de la dépense énergétique.
A titre d’exemple, le projet Wendy, bâtiment conçu par le cabinet Architizer et construit à New York, est capable de neutraliser des polluants atmosphériques. En effet, sa surface de 465 m² est recouverte de nanoparticules de titane qui aspirent la pollution dans l’air. Cette fonction est activée grâce aux rayons du soleil, les polluants adhèrent à la paroi du bâtiment, les éléments nocifs sont neutralisés puis disparaissent avec l’eau de pluie. Ce procédé permet d’éliminer l’équivalent de la pollution émise par 250 automobiles.
La problématique de l’utilisation des données et les limites des villes intelligentes actuelles
Le concept de ville intelligente est fortement lié à la question de l’utilisation des données recueillies et suscite de nombreuses polémiques quant à ses effets sur les libertés individuelles. Actuellement, la quantité de données recueillies concerne en grande partie les habitudes de consommation des utilisateurs que les entreprises peuvent concevoir comme une source inépuisable d’informations. Les grandes entreprises du secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication mais aussi les pouvoirs publics peuvent être tentés d’exploiter le Big data au détriment des intérêts de l’utilisateur final, notamment en ce qui concerne le respect de la vie privée. Cette situation semble mettre en évidence un conflit d’intérêt d’autant que les principaux défenseurs de la ville intelligente sont les géants des nouvelles technologies (Siemens, Samsung, IBM, etc.). La question du traitement des données qui est de plus en plus répandue, devrait faire l’objet d’un débat mondial de par l’absence de frontières dans le monde immatériel.
Cette problématique met en relief la dimension citoyenne de la ville durable dont la gestion est aussi une gouvernance consciente des besoins de chaque citoyen. L’utilisation des données et outils mentionnés doit être déployée en complément d’une stratégie répondant aux besoins des citoyens sur le long terme. Pour cela, une gouvernance responsable, transparente et ouverte aux propositions et demandes des citoyens est primordiale.
Le citoyen, principal acteur dans la ville intelligente, n’est plus considéré comme un consommateur de services, mais plutôt un membre à part entière du développement de la ville. La démocratisation des moyens d’information facilite aussi la participation aux processus de décisions dans la ville.
Pour la réussite de ces projets, la confiance semble incarner la clé de voute de la relation unissant les élus, les citoyens, les acteurs du numérique et les gestionnaires du réseau de distribution des énergies. La ville intelligente ne peut fonctionner sans que les facteurs précédemment cités ne s’accordent entre eux.
De nombreuses villes ont aujourd’hui adopté des nouvelles technologies dans leur territoire, mais les modèles diffèrent largement. Songdo International Business District a couté 35 milliards de dollars, elle est considérée comme la ville la plus intelligente, la plus moderne, mais c’est encore un lieu d’expérimentations pour les constructeurs tels que CISCO (Corée du Sud) et Gale International (USA) et la ville n’est même pas remplie à 40% de sa capacité. Masdar, près d’Abou Dabi, est une autre ville intelligente, construite en 2008 pour donner l’exemple en matière de développement durable. Oasis en plein désert, Masdar City a couté 18 milliards de dollars, zéro pétrole, zéro déchets, zéro carbone, utilisant l’énergie solaire et modes de transport futuristes, mais la ville est quasiment vide, le projet n’a attiré que des étudiants du Masdar Institute, pilier technologique de la ville.
D’autres villes adoptent les NTIC pour réduire l’emprunte carbone, comme Amsterdam, Lyon, Barcelone ou Toulouse. L’application d’améliorations technologiques et l’évolution vers un nouveau modèle d’habitat dans des zones urbaines déjà existantes ont l’avantage, par rapport aux nouvelles villes écologiques comme Masdar ou Songdo, de compter sur la participation directe du citoyen, l’expérimentation est plus simple et rapide, permettant une meilleure compréhension des besoins ou plaintes des habitants. Le citoyen devrait faire partie intégrante du projet de ville intelligente, car le citoyen fait et fera vivre cette ville. Peut être que ces villes intelligentes pourraient aussi profiter aux pays en développement, qui témoignent de la croissance démographique la plus élevée de la planète mais la mise en place des dispositifs technologiques représente un coût important que les collectivités pourraient avoir du mal à supporter. Cependant, il convient de mettre en perspective cet investissement sur les coûts sociaux et environnementaux qu’il permettrait d’économiser sur plusieurs décennies pour se prononcer sur son intérêt.
L’Equipe ADEC-NS
Sources: smartgrids-cre.fr, UN Department of Economic and Social Affairs, BBC News, La Tribune, La Dépêche.