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L’impact économique de la corruption [NL 65]

La corruption bouleverse l’économie des Etats

 
Un phénomène mondialement répandu et en expansion
La corruption : une pratique à degrés divers

Les manifestations de la corruption sont multiples : pots-de-vin, fraude, extorsion, favoritisme, détournement de fonds, abus de pouvoir, cession fictive de biens et autres transactions occultes en sont des exemples. Les pratiques évoluent et s’adaptent aux mesures visant à les contrer.

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De la petite corruption endémique (à l’instar de celle pratiquée à petite échelle par certains agents publics dans des pays en voie de développement) à la grande corruption touchant les plus hautes sphères des domaines publics et privés, aucun Etat n’échappe à ce phénomène.

La corruption est présente partout, à des degrés divers selon le stade de développement et la culture de transparence et de responsabilité. Elle gangrène tous les secteurs dans certains pays en voie de développement et prend le plus souvent les contours de la grande corruption et de la délinquance financière dans les pays développés.

Sur le plan micro-économique, elle peut concerner toute personne bénéficiant d’un pouvoir de décision (homme politique, fonctionnaire, cadre d’entreprise, médecin, jury, etc.).

 
Une tendance à la hausse de la pratique  

Divers facteurs viennent aggraver le phénomène de la corruption transnationale, comme le rôle économique accru de pays où la corruption est répandue ou encore la tendance au rapprochement entre les secteurs publics et privés (externalisation, partenariats ou privatisation des services). La crise économique et l’exacerbation de la concurrence commerciale et économique tend également à augmenter les tentatives de corruption des différents acteurs en vue d’avoir accès à de nouvelles opportunités.

Par ailleurs, des considérations géopolitiques et la guerre économique menée sur le plan international poussent à la corruption des élites en vue d’exploitation des ressources, d’obtention de marchés publics juteux ou encore de tenue d’une certaine ligne politique (exemple des biens mal acquis).

Mauvaise allocation des ressources et frein majeur au développement

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La corruption endémique est aujourd’hui l’un des freins majeurs au développement de la plupart des pays du monde. Considérée par certains comme un moyen de graisser les rouages de l’économie (dynamisation de l’économie face à une bureaucratie lourde), elle sape en réalité en profondeur toute possibilité de développement durable.

En effet, la corruption induit des pertes de recettes fiscales : elle cause ou facilite l’évasion fiscale, la fraude, le non-paiement des impôts par les plus riches/connectés et engendre l’accroissement de l’économie informelle. Le manque à gagner en termes de recettes publiques cause la réduction des programmes sociaux (au détriment des classes les plus défavorisées), et le maintien d’une mauvaise qualité/quantité des services publics.

L’investissement dans le capital humain est alors affaibli (éducation au rabais, mauvaises structures de santé, diplômes achetés etc.). En parallèle, la corruption détourne souvent les talents des activités productives vers des activités plus lucratives (rentes dues à la corruption).

De manière générale, la corruption fausse le jeu de la décision politique par la recherche de profit personnel. Elle induit souvent un manque de cohérence dans les plans d’investissement public. Cela est particulièrement visible pour certains grands projets d’infrastructure (non sélection de l’entreprise la mieux positionnée pour remporter le marché, inflation des coûts ou encore travaux inachevés sont autant de causes d’alourdissement de la dette improductive).

La corruption mine la gouvernance et l’Etat de droit (police, justice, administration pénitentiaire etc), créant une insécurité tant politique que juridique. Elle érode la légitimité de l’Etat (perte de confiance des citoyens dans des institutions publiques corrompues, souvent inefficaces et inégalitaires) et a un impact négatif sur la vie démocratique (clientélisme).

 

La corruption déstabilise le jeu des acteurs économiques

Un climat des affaires dégradé et rendu peu propice

Par sa nature même, la corruption sape les fondements de l’équité dans les transactions commerciales, la loyauté des pratiques, la libre concurrence et la motivation des acteurs économiques.

Elle est l’un des plus gros obstacles à l’investissement dans les pays en transition : elle le décourage (notamment celui en provenance des pays ayant criminalisé la corruption transnationale), augmente l’insécurité juridique des acteurs et réduit la productivité.

 coute cherEn termes économiques, la corruption coûte cher aux entreprises. Une entreprise ayant la réputation d’être corrompue devient plus vulnérable à l’extorsion. Transparency International observe qu’un cercle vicieux apparaît souvent : les bureaucrates peuvent être tentés de complexifier les réglementations et les lourdeurs administratives pour créer des opportunités de corruption.

La corruption impacte également le développement économique et stratégique de l’entreprise en modifiant l’allocation des ressources (moins d’investissements en interne, retards en recherche et développement et ralentissement de l’innovation, exclusions de marché, perte de temps à négocier). De manière générale, elle augmente les coûts de production et réduit la profitabilité des investissements.

 

D’après la Banque Mondiale, le coût élevé dû à la corruption des fonctionnaires encourage de nombreuses entreprises à réduire leurs obligations fiscales en ne déclarant pas la totalité de leurs ventes, coûts et masse salariale.
Pratiques de corruption et risques pour les entreprises

Les pratiques corruptives peuvent être tentantes pour une entreprise qui souhaite faciliter son développement dans certains pays (réduction des obstacles administratifs à l’entrée ou encore des coûts de transaction). Du petit cadeau, au service personnel en passant par le voyage d’agrément offert, les formes de corruption sont d’ordre et d’importance divers.

Selon l’OCDE, plus de 60% de ce type de corruption sont le fait de grosses entreprises, notamment des secteurs des industries extractives, de la construction, du transport, de l’information et la communication et de la fabrication.

De manière générale, la corruption se développe dans les zones grises du commerce, y compris dans les échanges avec les consultants ou les fournisseurs (en France, un directeur des achats sur quatre s’est vu proposer un pot-de-vin ou un avantage indu par un fournisseur, d’après l’étude menée par le cabinet AgileBuyer et HEC).

Néanmoins, la pratique de la corruption devient de plus en plus un risque majeur pour les entreprises. Le premier risque perçu est souvent celui de la réputation (auprès des consommateurs notamment). Les clients, investisseurs (lors des fusions/acquisitions par exemple), les sociétés d’inspection avant exportation ou encore la COFACE demandent par ailleurs de plus en plus de garanties de transparence.

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Sur le plan juridique, de lourdes sanctions peuvent être imposées contre les auteurs de malversations, la personne morale elle-même ou les dirigeants (fortes amendes, peines de prison). La pratique de la corruption peut également se retourner contre l’entreprise lorsqu’un état utilise cet élément pour la déstabiliser (méthode pratiquée par des états lorsqu’une entreprise étrangère connaît un succès jugé trop important sur son marché intérieur).

Au regard de ces risques, plusieurs bonnes pratiques peuvent être mises en place par les entreprises, parmi lesquelles :

– S’engager publiquement contre la corruption (dissuasion de potentiels corrupteurs et des salariés)

– Adhérer à Global Compact et autres initiatives internationales

– Nommer un responsable de programme anti-corruption

– Garantir la protection des lanceurs d’alerte (notamment en interne)

– Savoir refuser des cadeaux d’affaires

– Mettre en place un programme de formation anti-corruption (e-learning proposé par Transparency International)

– Définir une politique de transparence vis-à-vis des fournisseurs

– Adopter une politique RH éthique.

Des guides pratiques sont disponibles pour les PME, qui ne disposent pas des mêmes moyens que les grosses entreprises (sensibilisation aux risques juridiques et commerciaux, activités de prévention).

Les politiques de lutte contre la corruption

Prévention, bonne gouvernance et rapport à la transparence
La nécessité d’une bonne gouvernance

Le rapport à la forme de gouvernance est fondamental dans la lutte contre la corruption. Dans les pays à corruption endémique, c’est souvent tout le modèle de gouvernance qui serait à améliorer pour réduire ces pratiques : promotion dans la fonction publique basée sur le mérite (et non le clientélisme), augmentation des salaires des agents publics (policiers, douaniers etc.), renforcement des institutions, de la transparence, de la nécessité de rendre des comptes ou encore du rapport à l’autorité. Diverses organisations internationales s’attèlent à impulser des programmes de sensibilisation et de réforme (Banque Mondiale, PNUD etc., programmes eux-mêmes non exempts de corruption).

Ces projets de sensibilisation ont avant tout pour but de modifier la culture administrative, en valorisant l’intégrité.

Dans une telle dynamique, le rôle de la presse et des organisations de la société civile est crucial en tant que contre-pouvoirs.

Volonté politique et culture de la transparence

La culture de la transparence, qui permet notamment une meilleure détection des conflits d’intérêts, se développe dans certains pays. Diverses initiatives sont facilitées grâce aux nouvelles technologies, comme le développement de l’administration en ligne (à l’exemple des appels d’offres ou des déclarations d’impôts). L’accessibilité de l’information et l’obligation de rendre compte, tant pour les organismes que les entreprises et les particuliers, apparaissent comme des conditions sine qua non d’une société luttant contre la corruption.

La lutte contre la corruption passe également par la mise en avant de l’exemplarité, de pays ou d’organisations (à l’instar des efforts menés au Botswana). La culture de l’exemplarité doit être promue, notamment dans les postes clés (dirigeant, gouverneur d’une banque centrale, ministre des finances, président d’une commission électorale ou des cours suprêmes, directeur de la police ou des douanes etc.).

La plupart des observateurs s’accordent sur le fait que dans certains pays, comme les pays nordiques, une culture de l’intégrité et du refus des conflits d’intérêts s’est créée. Les citoyens, mieux informés, sont plus exigeants, notamment vis-à-vis de leurs dirigeants. Le principe de recevabilité y est très fort (notamment quant à l’utilisation de l’argent public) et bien ancré (la première loi d’accès aux documents administratifs date du 18eme siècle en Suède, et des années 1970 au Danemark et en Norvège). En Norvège, les feuilles d’imposition de tous les contribuables sont publiées en ligne (à l’exception des membres de la famille royale).

 

La volonté politique est un élément clé de la réussite de la lutte anti-corruption. La Roumanie en est un exemple : malgré leur statut, le Premier ministre, l’ancien ministre des finances, des chefs d’agences anti-corruption, divers hauts responsables, chefs d’entreprise ou encore magistrats ont été mis en cause.

Règlementations, mécanismes de contrôle et justice financière

stopSur le plan international, plusieurs textes engagent les pays à renforcer leur législation, leur justice financière et leurs mécanismes de contrôle (comme la convention des Nations Unies contre la corruption, la convention de l’OCDE sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales etc.) Néanmoins ces mesures restent peu mises en œuvre à l’échelle mondiale.

A l’heure actuelle, les législations britanniques et américaines font partie des plus sévères en la matière, d’autant plus qu’elles ont une application extraterritoriale. Plusieurs entreprises françaises ont de ce fait écopé d’amendes conséquentes. Devant le constat de l’échec de la France dans le combat de la corruption de ses entreprises à l’étranger, Transparency International conseille d’ailleurs de créer des procédures alternatives aux poursuites judiciaires, souvent longues et coûteuses, comme le « plaider-coupable», en vigueur aux Etats-Unis (paiement d’une amende, indemnisation des victimes éventuelles et restitution des profits illicites à l’Etat contre l’abandon des poursuites).

De manière générale, la lutte contre la délinquance financière ne pourra être efficace que dans un contexte de séparation réelle des pouvoirs, où le pouvoir juridique n’est pas affilié au politique, est réellement indépendant, et non corrompu. Les régimes autocratiques, où l’Etat est confisqué par un petit nombre d’intérêts d’une élite puissante sont encore loin de cette réalité.

Pourtant, la lutte contre la corruption doit être globalisée, au risque, comme c’est le cas aujourd’hui, de perte de contrats face à des entreprises venant de juridictions peu contraignantes. Les différents pays et entreprises ont un rôle à jouer dans le lobbying pour l’apparition de mécanismes plus contraignants dans ces pays (financement de programmes, affectation d’une partie des amendes payées dans le cadre de procédure anti-corruption dans le renforcement des moyens de l’Etat où les actes ont été commis etc.)évasion fiscale

La disparition des paradis fiscaux – qui favorisent le blanchiment d’argent, l’évasion fiscale et l’absence de transparence dans les flux financiers – est l’un des axes principaux de la lutte contre la grande corruption (armements, pétrole etc.).

 

 

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Article rédigé par l'équipe de l'ADEC-NS